Titre : |
Nous et l'innocent |
Type de document : |
texte imprimé |
Auteurs : |
Fernand Deligny, Auteur |
Editeur : |
François Maspero |
Année de publication : |
1975 |
Collection : |
malgré tout |
Importance : |
146 pages |
Langues : |
Français (fre) |
Sommaire : |
Lettre, 7
Un avertissement d’Isaac Joseph, 11
La tentative, 15
Ce silence là où le mythe du radeau, 21
Paroles, geste, silence, 39
Entretiens avec E. C. (septembre 1972), 41
Le moindre geste peut faire signe. I (août 1973), 45
Le moindre geste peut faire signe. II (octobre 1973), 57
Repères en marge. Extraits des manuscrits et de la correspondance de Fernand Deligny. 1971-1973, 61
Lignes d’erre, 103
Les cartes et le 421, 137 |
4° de Couverture : |
Tout ça a commencé en 1967, un quatorze juillet.
Cc gamin là avait douze ans.
C'était tout simple : pour “lui”, il n’y avait que l'eau, au bout de ses trajets, qu’“il” marche ou qu’“il” coure, que nous y soyons ou pas.
L’EAU.
Il était flagrant que de nous autres, quel que soit ce nous autres, quel qu’il soit, cet autre, il n’avait rien à en foutre, ce gamin là.
L’EAU et rien d’autre, pas d’autre, pas un mot, il n’y en avait jamais eu, de mot, venant de lui.
Pas trace, pas l’ombre d’un sourire, jamais, serait-ce au cours des premiers mois, des premières années de son existence, et, à vrai dire, pas un regard, je veux dire un regard qui regarde, qui nous regarde, nous, sa mère, nous, ses proches, d’alors, ou nous de maintenant entre nous et lui, l’eau, et rien d’autre.
Là où d’habitude le langage se met à courir et instaure ce qu’il en est de l’un et de l’autre, l’eau.
L'eau c’est la vie.
Nous nous sommes mis à vivre près de lui puisqu'il était, près de nous, tout proche et pourtant infiniment loin, à genoux, les yeux perdus dans le regard de l’eau.
Nous ne pouvions pas nous faire eau nous-mêmes.
Nous pouvions toujours essayer, tenter, nous dépouiller de nos valeurs, et, un jour après l’autre, lui faire la peau à cette espèce d’idole tristement prioritaire qui, dans nos vocabulaires, se retrouve être la personne, avec ses majuscules et ses noms soi-disant propres.
D’autres sont venus depuis lors, d’autres enfants dits psychotiques, gravement atteints pour la plupart.
Nous nous sommes dispersés pour que ces enfants là aient d’abord accès à l'eau, élément primordial, et puis, ici et là ; nous avons mis une pierre et c’est à partir de cette pierre là que se noue peut-être un certain nous pas tout à fait étranger, mais fort étrange.
Nous d’habitude, c'est un mot. Ici c’est une pierre, pour commencer, ou recommencer.
Des pierres et des hommes, la chose n’est pas nouvelle. |
Nous et l'innocent [texte imprimé] / Fernand Deligny, Auteur . - François Maspero, 1975 . - 146 pages. - ( malgré tout) . Langues : Français ( fre)
Sommaire : |
Lettre, 7
Un avertissement d’Isaac Joseph, 11
La tentative, 15
Ce silence là où le mythe du radeau, 21
Paroles, geste, silence, 39
Entretiens avec E. C. (septembre 1972), 41
Le moindre geste peut faire signe. I (août 1973), 45
Le moindre geste peut faire signe. II (octobre 1973), 57
Repères en marge. Extraits des manuscrits et de la correspondance de Fernand Deligny. 1971-1973, 61
Lignes d’erre, 103
Les cartes et le 421, 137 |
4° de Couverture : |
Tout ça a commencé en 1967, un quatorze juillet.
Cc gamin là avait douze ans.
C'était tout simple : pour “lui”, il n’y avait que l'eau, au bout de ses trajets, qu’“il” marche ou qu’“il” coure, que nous y soyons ou pas.
L’EAU.
Il était flagrant que de nous autres, quel que soit ce nous autres, quel qu’il soit, cet autre, il n’avait rien à en foutre, ce gamin là.
L’EAU et rien d’autre, pas d’autre, pas un mot, il n’y en avait jamais eu, de mot, venant de lui.
Pas trace, pas l’ombre d’un sourire, jamais, serait-ce au cours des premiers mois, des premières années de son existence, et, à vrai dire, pas un regard, je veux dire un regard qui regarde, qui nous regarde, nous, sa mère, nous, ses proches, d’alors, ou nous de maintenant entre nous et lui, l’eau, et rien d’autre.
Là où d’habitude le langage se met à courir et instaure ce qu’il en est de l’un et de l’autre, l’eau.
L'eau c’est la vie.
Nous nous sommes mis à vivre près de lui puisqu'il était, près de nous, tout proche et pourtant infiniment loin, à genoux, les yeux perdus dans le regard de l’eau.
Nous ne pouvions pas nous faire eau nous-mêmes.
Nous pouvions toujours essayer, tenter, nous dépouiller de nos valeurs, et, un jour après l’autre, lui faire la peau à cette espèce d’idole tristement prioritaire qui, dans nos vocabulaires, se retrouve être la personne, avec ses majuscules et ses noms soi-disant propres.
D’autres sont venus depuis lors, d’autres enfants dits psychotiques, gravement atteints pour la plupart.
Nous nous sommes dispersés pour que ces enfants là aient d’abord accès à l'eau, élément primordial, et puis, ici et là ; nous avons mis une pierre et c’est à partir de cette pierre là que se noue peut-être un certain nous pas tout à fait étranger, mais fort étrange.
Nous d’habitude, c'est un mot. Ici c’est une pierre, pour commencer, ou recommencer.
Des pierres et des hommes, la chose n’est pas nouvelle. |
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